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Le Stewardship

Au-delà de la RSE, le "stewardship" a de l'avenir

La "Responsabilité sociétale des entreprises" implique la mise en œuvre de projets concrets. Demain, le "stewardship" invite à voir plus loin en misant sur la création de valeur à long terme, pour tous.

La prise de conscience de l'impact des activités des entreprises sur la société et l'environnement est aujourd'hui réelle. En Suisse, chaque structure doit agir à son échelle pour le développement durable, et la RSE – ou "responsabilité sociétale des entreprises" – déploie des effets notables. Selon la définition donnée par le SECO, la RSE embrasse diverses problématiques : conditions de travail, droits de l'homme, environnement, prévention de la corruption, concurrence équitable, intérêts des consommateurs, fiscalité ou encore transparence. En Suisse comme à l'étranger, il s'agit bien sûr pour les entreprises de respecter les dispositions légales et les conventions entre partenaires sociaux, mais aussi, parfois, de répondre aux attentes de la société. 

Du point de vue des affaires, la RSE impacte positivement la compétitivité et s'avère également utile aux entreprises (coûts énergétiques et des matières premières, productivité des employés, gain réputationnel, avantage concurrentiel, etc.). Si les mesures mises en œuvre relèvent le plus souvent d'une volonté de bien faire, le danger existe de les voir instrumentalisées afin de redorer une image ou "excuser" l'impact écologique de certaines activités. Pour construire l'avenir économique et social, il s'agirait donc de faire un pas supplémentaire en intégrant la philosophie du stewardship (voir encadré). C'est l'avis d'un nombre important de spécialistes, mais aussi d'acteurs du monde économique et financier.

 
Repenser ce qui est profitable 

Pour simplifier, le stewardship consiste à se demander comment faire des affaires de façon à ce que la génération suivante soit enrichie, à ce que le monde y gagne et pas seulement l'entreprise. En effet, comme il s'avère impossible de gagner à long terme en détruisant l'environnement, la question est de savoir comment assurer la création de richesse pour tous dans le long terme. Le principe n'est pas "soyons bons pour être généreux", mais "trouvons comment faire la bonne chose pour tous, parce qu'on y gagne économiquement". La RSE n'est alors plus une excuse mais une nécessité.

Le professeur Didier Cossin, spécialiste en gouvernance et en finance, directeur du Global Board Center de l'IMD à Lausanne, croit en cette perspective. Il l'a notamment étudiée dans son livre "Inspiring Stewardship" (co-écrit avec Ong Boon Hwee, Ed. Wiley). Pour cet expert, le stewardship n'est pas seulement une philosophie, mais une évolution réelle passant par le monde du capital. "Les investisseurs ont compris que les dirigeants adoptant une vue "court terme" des profits ne mènent pas nécessairement les entreprises au succès à long terme. Pour le monde du capital, c'est devenu un problème. Beaucoup de sociétés – et pas seulement celles cotées en bourse – ont une perspective trop "court terme". Il y a donc un mouvement de fond, de la part des grands acteurs financiers, pour voir plus loin. Nous sommes presque face à un combat, théorique et pratique", précise-t-il.

On voit ainsi aujourd'hui des codes de stewardship être mis en place en Angleterre, au Japon, aux Etats-Unis, à Singapour notamment… Et des guides officiels, souvent sponsorisés par les Banques centrales, reprennent ses principes. Au niveau du management, il s'agit d'un idéal vers lequel tendre, d'une gouvernance différente. Didier Cossin l'a étudiée : "Dans les entreprises gérées selon cet esprit, il y a plus d'innovation et pas de grandes restructurations. Les employés se révèlent plus alignés avec la direction, les valeurs de la société plus fondamentalement ancrées. Beaucoup d'entreprises intègrent depuis longtemps cette philosophie sur certaines dimensions. L'exemple le plus cité est Unilever, avec son CEO Paul Polman, clairement influencé par son engagement et ses valeurs. On peut également mentionner Nestlé. En sachant que personne n'est un saint et que chaque société peut être critiquée sur un plan ou un autre."

En Suisse, le spécialiste remarque que certaines entreprises fonctionnent "naturellement" sur ce principe, notamment des sociétés familiales saines, sans que cela ne soit exprimé. Elles sont d'ailleurs souvent à la pointe. "Les sociétés bien "stewarded" ont généralement peu de dettes, sont assez conservatrices au niveau financier, mais innovantes au niveau technologique et social", résume Didier Cossin.

 
Des acteurs à convaincre

Aujourd'hui, les rapports de forces changent. De grands acteurs du capital voient le stewardship comme la seule manière de gagner de l'argent pour l'avenir. Sans cela, avant même d'épuiser les ressources, on épuisera la société. Des révolutions éclateront. Dans ce sens, le Brexit peut être vu comme une réaction à la richesse égoïste de Londres par rapport à la pauvreté accrue dans les provinces.

"Croire que l'on peut "gagner" dans un environnement social malsain n'a pas de sens, analyse Didier Cossin. Aux Etats-Unis, BlackRock - la plus grande société de gestion d'actifs au monde -, déclare désormais appuyer fondamentalement le stewardship." L'ambition est d'assurer la création de valeur sur le long terme. "Ce virage-là, les dirigeants d'entreprises ne l'ont pas encore tous compris, souligne Didier Cossin. Je suis en train de créer le Stewardship Institute, ici, dans le canton, pour comprendre, expliquer les problèmes, mettre en avant ce tournant et accélérer le processus. Je pense que c'est presque gagné, la nouvelle génération étant déjà convaincue, mais on le verra à vingt-cinq ans, voire plus."

En attendant de dire adieu à la philosophie du "greed is good" - qui promet d'opposer une résistance importante au stewardship -, la RSE nous invite déjà à avancer. La Confédération et le SECO vont ainsi poursuivre leur action de sensibilisation auprès des entreprises, en particulier des PME, notamment via les activités du Global Compact Network Switzerland. La CVCI s'intéressera cette année aux projets mis en place par certains de ses membres. Parce que les mettre en avant dans ce magazine, c'est aussi une façon d'inviter chacun à innover en la matière, pour demain.

Fanny Oberson pour "demain" n° 1 - février 2018

 
Aux origines du "stewardship"

Le stewardship voit le dirigeant comme un protecteur de l'organisation. "En toile de fond, il y a des dimensions morales, philosophiques et religieuses, note Didier Cossin, professeur à l'IMD. Dans le Nouveau testament, on pense aux paraboles du bon serviteur, qui fait fructifier. Les sources philosophiques, kantiennes et hégéliennes, évoquent la capacité d'être dans le droit, de faire le juste, ce qui est bon pour l'ensemble." Notre activité devrait être bonne pour la société car c'est simplement le meilleur moyen de faire des profits à long terme.

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Romaine Nidegger

Responsable du dossier Relations extérieures