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Enregistrement du temps de travail : une adaptation des règles s'impose

    
Après l'échec d'une première révision et suite à des négociations menées entre partenaires sociaux, le Seco a mis en consultation un projet d'introduction de deux nouveaux articles dans l'OLT1. L'objectif est d'assouplir les exigences légales actuelles, à certaines conditions.

Les dispositions de la loi sur le travail (LTr) prévoient l'obligation, pour l'employeur, de tenir des registres des durées (quotidiennes et hebdomadaires) du travail fourni, ses coordonnées temporelles, l'horaire et la durée des pauses d'une durée égale ou supérieure à une demi-heure. Cette obligation vaut pour chaque travailleur soumis à la LTr, indépendamment de son autonomie ou de son niveau hiérarchique. Les personnes exerçant une fonction dirigeante élevée (dans le sens décrit de l'art. 9 OLT1) sont les seules à ne pas être concernées. 
Comme le relève très justement le secrétariat d'Etat à l'économie dans son rapport explicatif, "l'écart entre l'obligation légale d'un enregistrement systématique et la réalité quotidienne du travail de certaines catégories du personnel s'est creusé". La flexibilisation des horaires, l'annulation du temps de travail, le télétravail… ont accru ce décalage. Cette évolution touche particulièrement les entreprises de services, mais pas seulement. La gestion rigoureuse du temps de travail telle que mentionnée dans la loi n'est plus compatible avec une logique de flexibilisation,  basée sur la confiance et généralement souhaitée autant par les travailleurs que par les employeurs. 
Pour la CVCI, la solution proposée n'est pas optimale. Elle a toutefois le mérite de faire un premier pas dans le sens d'un assouplissement, raison pour laquelle nous préconisons d'entrer en matière sur le projet. Il conviendra toutefois de maintenir les efforts pour trouver des solutions mieux adaptées à la réalité du monde du travail d'aujourd'hui. 
Les nouveaux articles
L'un des nouveaux articles (article 73a OLT1) prévoit la possibilité de renoncer à l'enregistrement de la durée du travail. Il s'agirait là d'un assouplissement réel et bienvenu, dont pourraient bénéficier les travailleurs touchant un salaire annuel brut supérieur à 120'000 francs et disposant d'une grande autonomie dans leur travail. Mais cette possibilité est soumise à une condition impérative, à savoir être réglée par une convention collective de travail (CCT), ce qui n'est pas admissible.
Avec cette condition, toute entreprise souhaitant instaurer cette mesure devrait négocier une CCT avec une ou plusieurs organisations syndicales. Très critiquable quant à sa légalité, cette condition se heurte de plus à des obstacles pratiques. La majorité des entreprises qui se trouvent dans des secteurs concernées par le décalage entre la réalité du terrain et les obligations légales évoluent dans un secteur qui n'est pas réglementé par une CCT. Quant aux CCT existantes, elles excluent très souvent de leur champ d'application certaines catégories de travailleurs, particulièrement visées par ce nouvel article, c'est-à-dire les cadres dont le salaire annuel est supérieur à 120'00 francs. La protection de ces travailleurs pourrait tout aussi bien être garantie par un accord interne négocié non pas avec des partenaires sociaux externes à l'entreprise, mais directement avec les collaborateurs concernés. Dans le second article (article 73b OLT1), il est prévu de permettre un enregistrement simplifié (durée quotidienne uniquement) de la durée du travail en faveur des travailleurs pouvant déterminer eux-mêmes leurs horaires. Cette possibilité est donnée à condition de conclure un accord entre les "représentants des travailleurs au sein d'une entreprise ou d'une branche" et l'employeur. A  défaut de résoudre le problème de décalage entre la pratique et la théorie juridique, la possibilité de ne documenter "que la durée quotidienne du travail" constitue un allégement bienvenu. Par rapport à la situation actuelle, ce nouvel article aurait l'avantage d'étendre le champ d'application des bénéficiaires. Tout collaborateur pouvant déterminer lui-même "dans une large mesure" ses horaires de travail serait éligible à l'enregistrement simplifié, indépendamment de son niveau hiérarchique. Toutefois, la notion de "représentants des travailleurs" n'est pas claire. Elle peut être interprétée comme une obligation de passer par une représentation élue des travailleurs, ce qui n'est pas souhaitable, car l'immense majorité des entreprises ne disposent pas d'une telle structure. Enfin, il conviendrait aussi de renoncer à l'instauration d'une procédure paritaire de suivi (al.2 let. b), lourdeur inutile qui n'a pas de raison d'être vu le choix laissé aux travailleurs d'enregistrer l'intégralité des données relatives à leur temps de travail.

Mathieu Piguet
(Pour LeJournal CVCI n°62 - juin 2015)
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Responsable du dossier "Développement durable"