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"Une équipe plus équilibrée hommes-femmes prend de meilleures décisions"

Comment accélérer la promotion des femmes dans les entreprises ? Nécessité d'accroître la main-d'œuvre locale et l'égalité, la question ne cesse de gagner en importance. Le cabinet d'audit EY a mis sur pied un programme spécial. Pierre-Alain Cardinaux, Partner et responsable de la Suisse romande chez EY dévoile la stratégie de sa société.

EY s'est fixé des objectifs en matière d'égalité hommes-femmes. Lesquels sont-ils et pourquoi avez-vous entrepris cette démarche?

Pierre-Alain Cardinaux : EY s’est fixé pour objectif de multiplier par trois le nombre des femmes "Partners" d’ici à 2020. La diversité des compétences, des disciplines et des profils au sein d’EY est primordiale. L’ensemble des Partners, hommes et femmes, forment le plus haut organe dirigeant, et à ce titre ils sont l’épine dorsale de l’entreprise à laquelle ils participent aussi financièrement. Ils portent la responsabilité de l’acquisition des clients et sont en charge de l’exécution des mandats et projets.
Ce n’est pas sur la base d’études seulement, mais surtout sur notre propre expérience que nous sommes convaincus chez EY que des équipes mixtes fournissent de meilleures prestations à long terme. Nous avons également toujours plus de Partners d’origines culturelles différentes qui, avec l’ensemble de nos collaborateurs, servent nos clients nationaux et internationaux en Suisse. C’est pour nous un avantage concurrentiel.
La diversité des genres est un des thèmes clés de l’engagement d’EY en faveur de la diversité. Dans le cadre des formations continues obligatoires et facultatives, les collaborateurs traitent du thème de la différence et comment en retirer le meilleur. La diversité aide aussi nos collaborateurs à se développer en tant que personnes et à faire la différence.

Il s'agit à première vue d'une mesure encore plutôt rare dans les entreprises…

D’une part, cela fait partie de notre Vision 2020 d’encourager l’égalité des chances au sein de notre entreprise, mais aussi de soutenir l’entrepreneuriat en général et de nous engager pour le renforcement du rôle des femmes sur la place économique. D’autre part, nous encourageons la formation d’équipes mixtes pour la simple raison que nous sommes convaincus que ces équipes-là prennent de meilleures décisions et trouvent des solutions plus équilibrées.

Concrètement, comment allez-vous vous y prendre pour atteindre des seuils ?

L’objectif fixé de multiplier par trois le nombre des femmes parmi les cadres est encore très récent et certainement très ambitieux. J’espère que l’annonce de cet objectif contribuera déjà à renforcer notre attractivité en tant qu’employeur et encouragera aussi davantage de femmes à postuler chez nous.
Chez EY, les femmes sont particulièrement soutenues et encouragées, et c’est une des responsabilités de leurs supérieurs. Dans le cadre de formations continues spécifiques par exemple, les participants sont rendus attentifs aux possibles jugements de valeurs involontaires (préjugés inconscients liés au sexe). Ces formations de prise de conscience sont déjà obligatoires depuis plusieurs années pour les Partners. Elles font désormais partie intégrante du programme de formation continue. De telles mesures sont très importantes pour nous si l’on veut parvenir à un changement de culture au sein de l’entreprise. Plus il y aura de femmes dans le management, plus cela attirera d’autres femmes, car elles pourront s’identifier à des modèles.
La diversité des genres fait partie intégrante de tous nos processus, tant pour le recrutement, la gestion de la performance, le développement que le staffing. Et pas seulement depuis la présence de ce thème en politique et dans les médias. Nous avons pris l’habitude de mesurer la part des femmes que nous recrutons et de travailler en permanence avec des équipes de recruteurs mixtes. Nous contrôlons lors de l’évaluation annuelle que les appréciations soient faites de manière neutre, et nous nous assurons que l’accès et la participation aux formations continues soient les mêmes pour les collaborateurs et les collaboratrices. Cela est valable pour les formations standards, comme pour celles destinées à nos talents les plus prometteurs.
Chez EY Suisse, un Partner, homme ou femme, a la possibilité de travailler à temps partiel, ou de remettre certaines de ses responsabilités pour une durée déterminée, s’il veut par exemple se consacrer à d’autres projets plus personnels. Une présence certaine est toutefois indispensable à ce niveau de fonction. Mais tous les collaborateurs sont encouragés à trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie privée, et EY le facilite.
EY Suisse s’est en outre soumise volontairement au contrôle de l’égalité des salaires en participant au "Dialogue sur l’égalité des salaires" et l’a terminé avec succès. Nous surveillons également de manière continue l’évolution des salaires.

Que pensez-vous du projet du Conseil fédéral (soumis à consultation dans le cadre de la modification du droit de la société anonyme) d'imposer des quotas de 30 % de femmes dans les conseils d'administration et les directions des sociétés cotées ?

Pour EY Suisse, il est essentiel pour l’équilibre et la pérennité de l’ensemble de l’économie d’avoir des hommes et des femmes à la tête des entreprises. Le projet du Conseil fédéral va dès lors fondamentalement dans le bon sens. Lors de la mise en œuvre concrète, de telles règles pourraient représenter un grand défi pour bon nombre d’entreprises. Elles seraient obligées de prendre des mesures concrètes. Et selon la durée des périodes transitoires, cela pourrait devenir difficile de trouver les femmes adéquates; les candidates potentielles seraient très sollicitées si de telles mesures devaient entrer en vigueur. Cela demanderait un soutien spécial dans les entreprises et une embauche renforcée à l’étranger. De plus la fluctuation dans les instances dirigeantes des entreprises – direction et conseil d’administration – n’est pas très élevée. C’est important pour nous que de telles mesures soient débattues publiquement. La proposition du Conseil fédéral vient juste d’être soumise à consultation, et je suis curieux d’entendre l’opinion et les arguments des partis et des associations.

Comment jugez-vous le modèle proposé, "se conformer ou expliquer" ?

EY Suisse ne se prononce pas explicitement pour ou contre le projet proposé par le Conseil fédéral. Le principe comply or explain reste cependant une approche intéressante. Il permet d’établir plus de transparence et laisse le soin aux forces du marché, respectivement à l’influence de l’opinion publique, de faire évoluer la situation. Une entreprise ne pourra certainement pas se permettre des années durant de repousser l’augmentation de la proportion des femmes dans son conseil d’administration ou sa direction en se justifiant d’explications peu convaincantes; elle devra faire face à la pression de l’opinion publique, ou du marché du travail, et s’adapter.

Le nombre de femmes dans les organes dirigeants des entreprises étant insuffisants, faut-il alors agir sur l'information, la formation des managers et des RH ?

Il faut non seulement agir sur l’information, la formation des managers et des RH pour améliorer le "sex-ratio" dans les organes dirigeants des grandes entreprises, mais il faut aussi un peu de patience et beaucoup de persévérance. Les personnes concernées n’ont pas encore véritablement réalisé qu’une équipe de direction plus équilibrée hommes-femmes prend de meilleures décisions. Il faudrait également davantage d’histoires de femmes à succès à titre d’exemples, au sein mêmes des entreprises. Les postes dans les organes dirigeants ne devraient pas non plus être définis que pour des hommes dans la cinquantaine. Les RH peuvent ici jouer un rôle clé dans la définition des postes et le processus de recrutement.
Une étude d’EY, "Diversity drives diversity – From the boardroom to the C-suite", a en outre démontré que, dans de nombreux cas, les débuts sont avant tout difficiles, autant pour les femmes elles-mêmes, que pour les organes dirigeants. Mais avec le temps, les entreprises ayant des femmes dans des fonctions dirigeantes ont tendance à recruter ou promouvoir toujours plus de femmes cadres, l’avantage étant d’avoir ainsi à l’avenir toujours plus de candidates valables pour leurs organes dirigeants ou l’économie en générale.

Propos recueillis par Philippe Gumy (Février 2015)