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La fausse tentation d'une île

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La Suisse se démarque au sein de l’Europe par la constance de son économie prospère et son faible taux de chômage. Des avantages que nous prenons un peu trop facilement pour des acquis.

Ces vingt dernières années, les accords bilatéraux ainsi que ceux de libre-échange ont largement contribué à doper notre économie, favorisant l’accès aux marchés et l’apport de main d’oeuvre qualifiée, essentiels à notre développement. 

Pourtant, notre relation avec l’Europe est l’objet de toujours plus de critiques et de nombreuses votations successives. Aujourd’hui, le fondement de nos accords est
menacé. On invoque un « diktat européen » qui nous contraindrait unilatéralement à nous adapter, voire à nous soumettre, ceci sans contrepartie et à notre désavantage. Ce diktat est un mythe. Il est vrai que le monde globalisé dans lequel nous évoluons n’a pas fait disparaître les rapports de force, mais il introduit toujours plus de coopération entre les Etats.

Ainsi ce sont les accords internationaux qui règlent nos relations. Dans un accord bilatéral, les deux parties font réciproquement des concessions et s’entendent sur leurs particularités et les lignes rouges à ne pas dépasser. A la fin, il appartient à la Suisse de défendre ses intérêts, ce qu’elle a parfaitement su faire jusqu’ici, en particulier avec les accords bilatéraux.

Au coeur du continent européen, il semble illusoire de penser que la Suisse peut devenir une île.

L’Union européenne pèse 60 % dans nos échanges commerciaux avec l’étranger. Sommes-nous prêts et est-il raisonnable d’envisager de renoncer à l’accès à ce marché en raison de modifications des mesures d’accompagnement ? Dans le cadre de la révision de la loi sur les armes, sommes-nous prêts à nous passer d’une collaboration sécuritaire, au motif que nous refusons un relatif durcissement de certains cas spécifiques et limités d’acquisition d’armes semi-automatiques ?
 
Croire que la Suisse pourra toujours imposer toutes ses conditions à l’UE est à mon sens candide. Le risque d’être mis au ban de notre continent commercial est réel si nous insistons à conserver sans compromis l’entier de nos exceptions. Le précédent de la votation contre l’immigration de masse doit nous servir d’avertissement. L’UE n’a pas transigé sur le principe fondamental que représente la libre circulation. En vue du 19 mai, on voit revenir à nouveau chez certains opposants à la RFFA ou à la révision concernant les armes les mêmes arguments. Selon eux, l’OCDE ne nous placerait pas sur liste noire, et nous ne serions pas exclus de l’Espace Schengen. Pourtant rien n’est moins certain, particulièrement dans le contexte du Brexit, où l’Europe souhaite resserrer ses rangs. Rappelons que la Suisse a participé à la révision de la loi sur les armes de l’Espace Schengen et qu’elle a obtenu toutes les exceptions qu’elle souhaitait. Il n’y a donc point de diktat.

Les Suisses, dès lors qu’ils n’ont pas souhaité d’adhésion à l’UE, ont choisi la voie bilatérale. Ils ont réussi à l’imposer à l’Europe et à négocier au fil du temps d’importants accords pour et dans l’intérêt de notre pays. Si elle veut maintenir sa prospérité et une sécurité juridique propice à une croissance économique, la Suisse doit poursuivre dans cette voie et continuer à signer des accords. Cela implique de s’adapter aux modifications législatives en acceptant certaines concessions, tout en faisant valoir nos arguments et spécificités.

Ne cédons pas à la tentation d’une île, sauf à nous retrouver bien seuls.

Editorial de "Demain" N° 04 - Mai 2019

Écrit par :

Aude Pugin

Présidente de la CVCI et CEO d'APCO Technologies

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