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Les Presses Centrales Lausanne résistent face à la vague digitale

Malgré la forte concurrence du digital, l'imprimerie parvient à maintenir un chiffre d'affaires stable. Elle se distingue en garantissant un service de proximité aux PME romandes.

Le développement d'Internet et des contenus digitaux sont souvent associés au déclin de l'imprimerie, voire à sa disparition. Entre mythe et réalité, Steve Burnier, directeur commercial des Presses Centrales Lausanne (PCL), assure que ce raccourci simpliste ne reflète que partiellement l'état actuel du marché : "Il y a en effet des supports que nous n'imprimons plus et qui sont distribués uniquement sous forme digitale. A l'inverse, l'imprimé a tendance à se démocratiser grâce à la baisse des coûts d'impression et de nouveaux produits font leur apparition. Pour preuve, notre chiffre d'affaires reste inchangé depuis 2012, malgré une baisse annuelle générale estimée à 6 % dans le secteur de l'imprimerie depuis le début des années 2000, notamment due au nombre d'imprimés produits à l'étranger."

De la conception à la livraison

Afin de rester compétitifs dans un secteur en perte de vitesse, les PCL, employant quelque 75 personnes sur le site de Renens, n'ont cessé d'adapter leurs offres depuis la création de l'entreprise en 1977 : "Aujourd'hui, notre spécialité, c'est de tout faire ! Nous avons en moyenne une quarantaine de travaux différents à réaliser par semaine et nous ne faisons plus uniquement que de l'impression. Nous maîtrisons l'entier de la chaîne de production, de la conception à la livraison." Pour répondre à une clientèle qui exige des délais toujours plus courts, l'entreprise dispose d'un secteur prépresse qui gère les fichiers d'impression ou élabore la mise en page de magazines. La ligne de production pour les travaux de ville (cartes de visite ou faire-part) est complétée par une rotative qui imprime notamment la "Feuille des avis officiels du canton de Vaud" et "L'Echo du Gros-de-Vaud". Enfin, un secteur reliure abrite une nouvelle machine de thermocollage, capable de relier en dos carrés. En ce qui concerne le personnel, l'imprimerie prône la polyvalence. "Si un secteur a moins de travail, les techniciens peuvent facilement apporter leur soutien à un autre département qui doit rapidement répondre à une commande. On se sert les coudes. Notre activité est très cyclique. Nous connaissons par exemple un surcroît de travail au printemps pour les rapports annuels et en fin d'année", précise Lionel Delacoste, directeur de production.

Travailler avec les PME

Dans un environnement toujours plus compétitif, l'entreprise mise avant tout sur un service de proximité : "Notre force réside dans notre capacité à travailler avec les PME de la région, nous leur offrons le service, la qualité et surtout la réactivité." Sur ce marché, Steve Burnier ne craint pas la concurrence étrangère : "Notre commande moyenne est inférieure à 7'000 francs. Si un client décide d'imprimer à l'étranger, il va peut-être pouvoir économiser 20 % sur la facture finale. Pour cette somme et les inconvénients que cela peut représenter, au final, peu de personnes font ce choix." Et pour l'instant, il n'est pas question d'étendre leurs activités au-delà des frontières : "Il est utopique de viser les marchés étrangers à cause du franc fort et du coût de la main-d'œuvre. Il y aurait des opportunités outre-Sarine, mais là aussi le marché reste complexe. Les Suisses alémaniques subissent une forte pression des Allemands, qui sont capables de produire de gros volumes à bas prix."

La stratégie du dernier des Mohicans

Actuellement, cinq concurrents directs aux PCL se partagent le marché entre Genève et Berne : "Nous sommes trop d'acteurs dans ce secteur qui a perdu 60 % de ses emplois depuis les années 2000. A titre d'exemple, l'Autriche, pays comparable à la Suisse en termes de superficie, compte trois fois moins d'imprimeurs qu'ici. Nous nous dirigeons vers le même modèle", poursuit le directeur commercial. Êtes-vous condamnés ? " Non. Prenez l'exemple des entreprises spécialisées dans la photolithographie, beaucoup ont disparu et celles qui restent aujourd'hui s'en sortent très bien. C'est un peu la stratégie du dernier des Mohicans, tout le monde essaie de tenir en attendant de pouvoir récupérer des parts de marché d'un concurrent parti en faillite." A ce jeu, les grands groupes sont privilégiés : "Certes, nous faisons partie d'une holding détenue par la Fondation de famille Sandoz, mais cela n'est pas évident pour autant. Compte tenu de notre taille et de nos charges fixes élevées, nous ne pouvons pas nous permettre de grosses variations de travail. En revanche, pour les petits imprimeurs c'est plus dur. Les imprimeries sont mal cotées et les banques ne leur prêtent pas volontiers de capitaux", explique Nicolas Marcoz, directeur administratif et financier. Depuis quatre ans maintenant, le conseil d'administration a mis en place un modèle de direction tricéphale inédit. À la tête de l'entreprise, Lionel Delacoste, Steve Burnier et Nicolas Marcoz  se partagent la gestion des différents départements. "Nous prenons des décisions collégiales. C'est un système très intéressant et cela évite de ressentir cette fameuse solitude du patron en cas d'importantes décisions à prendre. Elles sont plus pesées et moins impulsives, nous avons gagné en esprit d'entreprise", expliquent les trois directeurs.

Peu d'innovation majeure

Les produits issus de l'imprimerie sont pour l'instant difficiles à numériser. Si l'arrivée du code QR dans les années 2000 a permis dans un premier temps une interaction entre le papier et un Internet, peu à peu les usagers de smartphones ou de tablettes ont abandonné ce système nécessitant une application bien précise en fonction du code imprimé sur le support papier. D'autres solutions existent, mais elles ne parviennent pas à convaincre pour l'instant. "Certains fournisseurs veulent intégrer des puces utilisant la technologie de radio-identification, mais cela représente environ 50 % de surcoût sur le prix final. Il y a également des idées d'encres spéciales, mais là aussi, le coût est un obstacle pour le consommateur. Les machines sont plus rapides, mais nous sommes loin d'un changement de paradigme. Cela fait 50 ans que l'on imprime avec le même procédé, et aujourd'hui cela va simplement plus vite", conclut Steve Burnier.

Vincent Michoud