La ville de Montreux expérimente le Smart City
Montreux a déterminé le nombre de personnes qui transitent dans la ville grâce aux données fournies par Swisscom. Les résultats remettent en question la construction d'un tunnel et invitent à penser d'autres solutions plus pertinentes
Après une année d'étude, la conclusion semble évidente : la construction d'un tunnel reliant Territet à la sortie du Centre de congrès ne réduirait pas la densité du trafic de Montreux. En effet, grâce aux données provenant des téléphones portables des clients de l'opérateur Swisscom, la commune vaudoise a pu mesurer que le transit ne représente qu'environ 20 % des déplacements totaux dans le centre-ville. "Cette étude nous a coûté 50'000 francs, alors que la construction d'un tunnel était devisée à 200 millions de francs. La technologie utilisée dans cette démarche Smart City représente donc un outil d'aide à la décision très efficace au service du politique. Les résultats montrent également que notre ville est très attractive, puisque une majorité des usagers s'arrêtent ou circulent au centre-ville. C'est plutôt une bonne nouvelle", relève Christian Neukomm, Conseiller municipal en charge de l'urbanisme et des équipements publics de la ville de Montreux.
Big Data et algorithmes
Lancé au printemps 2016, le projet Smart City a été mené en collaboration avec la Municipalité et le chef de service des travaux publics de la commune, les spécialistes en planification et mobilité urbaine et les experts digitaux de Swisscom. La question de départ était de connaître la dynamique de la ville afin de répondre à une interpellation qui revenait régulièrement, à savoir : Faut-il construire un tunnel pour fluidifier le trafic ? "La démarche a tout d'abord consisté à définir le périmètre de l'étude et l'indicateur le plus pertinent, soit les gens qui passent au centre-ville et qui ne s'y arrêtent pas. Ensuite, nos Data Scientists, qui disposent de plus vingt milliards d'évènements par jour en Suisse - ce qui correspond au nombre de connexions d'appareils de communication via les antennes relais - ont développé des algorithmes de calcul. Dans ce cas précis, les données ont été collectées grâce au téléphone des utilisateurs Swisscom. Il fallait donc que les personnes considérées "en transit" mettent moins de trente minutes pour traverser le périmètre", explique Raphaël Rollier, en charge du projet Smart City chez Swisscom.
Gérer la transition numérique
L'étude menée à Montreux repose sur le concept d'agilité digitale, une réflexion pour démarrer et mener à bien sa transition numérique. Développé par Swisscom en partenariat avec l'institut de management IMD business school à Lausanne, le concept permet de résoudre des problèmes concrets grâce aux nouvelles technologies. "En matière de mobilité, nous sommes plus que jamais dans l'incertitude. Les modes de transports évoluent rapidement et les habitudes changent trop vite pour attendre, par exemple, tous les cinq ans la mise en œuvre d'un système de comptage visuel des véhicules effectué au bord de la route. Aujourd'hui, nous souhaitons le faire en temps réel. Nous passons donc d'un système où l'information récoltée permettait une décision et son exécution, à un modèle dans lequel le sujet est hyperconnaissant (hyper aware)", explique Raphael Rollier. Un autre avantage de ce type d'étude est de pouvoir déterminer précisément de quel point à quel point une personne se déplace. "Nous arrivons à connaître les déplacements de 60 % des individus, ce qui correspond à la part de marché de l'opérateur Swisscom. Avec l'ancienne méthode, qui consistait à arrêter les automobilistes au bord de la route et leur poser la question, l'échantillon n'était représentatif qu'entre 1 % et 5 %", précise l'expert tout en ajoutant que l'anonymat des données est garanti. "Nous nous intéressons uniquement à des groupes de personnes et nous ne pouvons pas descendre à une échelle trop basse. Afin d'éviter de pouvoir identifier l'utilisateur, un minimum de cinquante personnes par zone détermine la prise en compte de l'information ou non." Si le système est décrié par certains, ce modèle de récolte d'informations n'est pourtant pas nouveau. Dans le commerce de détail, la Migros, par exemple, analyse depuis longtemps les données de ses clients grâce aux points Cumulus. Elle peut ainsi mieux prévoir les habitudes de consommation et gérer son stock en conséquence. "Les prochains acteurs qui devront se poser la question de la mise en œuvre d'une telle solution sont les PME", estime M. Rollier.
Deuxième phase du projet
Afin de résoudre les problèmes de circulation rencontrés à certaines heures de la journée, durant les manifestations organisées tout au long de l'année ou à cause de la densité du trafic sur l'autoroute A9, la ville mise désormais sur l'interactivité : "Le problème de la circulation n'est pas pour autant résolu, mais nous avons désormais plus d'informations pour mettre en œuvre des solutions pertinentes. A terme, le but est d'installer des panneaux intelligents, capables de recommander un itinéraire grâce à des caméras qui évaluent la densité du trafic. En cas d'accident sur l'autoroute, par exemple, nous pourrons ainsi conseiller efficacement les usagers et peut-être leur éviter d'emprunter la route cantonale, souvent surchargée. En effet, à ce jour, son volume de trafic se trouve au même niveau qu'avant la construction de l'autoroute A9 en 1960. On compte entre 15 000 et 20 000 véhicules par jour", explique le Conseiller municipal Christian Neukomm. Des recherches portent également sur l'installation de feux dynamiques, afin que les utilisateurs de la route ne se retrouvent pas bloqués au centre, mais plutôt à l'entrée de la ville. Dans une deuxième phase du projet Smart City, l'opérateur et Montreux travaillent sur l'installation de capteurs dans un Parking-Relais, situé à l'entrée de la ville. Les données récoltées grâce aux téléphones permettront de suivre en temps réel les résultats d'une décision politique qui consiste à rendre le parking payant. Swisscom mène actuellement des expériences similaires dans les villes de Pully, Genève ou encore Fribourg.
Vincent Michoud