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"Le premier clic remporte l'affaire"

A l'aube de ses 75 ans, l'entreprise familiale Rüeger mise sur la diversification de ses produits et développe des capteurs de mesure destinés au secteur de la restauration et de la dentisterie. 

75 ans après la création du premier thermomètre bimétallique par Ernst Rüeger et Georges Bloch, l'entreprise Rüeger, spécialisée dans la fabrication de capteurs et d'instruments de mesure de température et de pression, doit plus que jamais faire preuve d'innovation pour rester compétitive. Après des années de croissance, l'entreprise familiale qui exporte 80 % de sa production fait face aujourd'hui à la crise du franc fort, à un coût de la main-d'œuvre très élevé en comparaison internationale et supporte la récente crise pétrolière, dont les effets collatéraux ont touché directement les investissements de sa clientèle qui utilise ses capteurs de température. Un marché qui représente 30 % de son chiffre d'affaires total : "Il y a quelques années, nous nous sommes assez rapidement rendu compte que nous étions trop tributaires du marché des huiles et du pétrole. Nous avons donc fortement investi dans la recherche et le développement et engagé plusieurs ingénieurs dédiés sur notre site de Crissier", explique Jean-Marc Rüeger, directeur de l'entreprise. A l'occasion de son jubilé, la société vaudoise dévoile trois innovations majeures et revient sur un contrat décroché avec le groupe américain Hemmy Penny, qui détient notamment 80 % du marché des friteuses en Europe pour McDonald's.

Restauration rapide

Le développement de capteurs-testeurs de la qualité de l'huile de friture s'est effectué en étroite collaboration avec Alpsens, une start-up issue de l'EPFL rachetée huit ans auparavant par Rüeger. Les deux sociétés sont ainsi parvenues à élaborer un capteur qui détermine la quantité de composés polaires présents dans les huiles de friture en temps réel et en continu : "Il s'agit d'un capteur connecté à une friteuse. Il vise à optimiser l'utilisation d'huile, l'énergie consommée et la qualité. L'utilisateur peut prévenir toute contamination alimentaire et grâce aux mesures effectuées en ligne et en continu, il supprime l'intervention de personnel qualifié. Une meilleure gestion des huiles permet une économie de 8 % de la matière première et réduit les frais de fonctionnement de plusieurs milliers de francs par année", précise Jean-Marc Rüeger. A terme, d'autres chaînes de restauration rapide pourraient également se doter de ce système : Wendy's, Kentucky Fried Chicken ou encore Burger King. L'objectif étant d'installer 10'000 capteurs, ce qui pourrait générer un chiffre d'affaires de 10 millions de francs. 

La catégorie des OEM

Dans une optique de diversification de ses activités, l'entreprise mise également sur le développement de capteurs du taux d'humidité pour les fours à vapeur professionnels et s'intéresse de près au secteur dentaire. "L'idée est partie d'une discussion avec un ami dentiste. Jusqu'à présent les professionnels ne pouvaient pas contrôler la température de l'os en cas de pose d'un implant. Or si l'on va au-delà de 42 degrés, l'os se nécrose et l'implant ne tient pas. Nous avons donc développé un capteur intégré au foret chirurgical qui permet de mesurer la température de l'os par spectre optique durant l'opération. L'Etat de Vaud finance 50 % du projet et nous avons mandaté l'EPFL et l'école d'ingénieur de St-Imier pour effectuer certaines recherches. Nous sommes en phase test en laboratoire et il se peut que nous commercialisions ce produit d'ici deux à trois ans", précise le directeur. Le développement de ces différents capteurs rentre dans la catégorie des OEM (Original Equipment Manufacturer) et ne seront pas vendus directement sous la marque Rüeger. "C'est le commanditaire qui assemble et commercialise ensuite le produit. Cela représente 30 % de notre activité et nous assure des commandes récurrentes et innovantes."

Améliorer la précision

En parallèle à ces innovations technologiques, l'entreprise continue à produire son instrument phare, le thermomètre historique bimétallique inventé en 1942. Au fil des années de nouveaux types de "sensors", destinés au marché industriel, réacteurs chimiques, alimentaire, pharmaceutique sont venus compléter la gamme. Le défi majeur a consisté principalement à améliorer la précision de ces outils : "Il y a quelques années, nous avons décidé de rester dans notre "core business" et de ne pas développer toute la partie connectique de nos produits. Il y a beaucoup de concurrence et de gros acteurs sur ce marché, par exemple ABB. Nos appareils sortent donc un signal et c'est ensuite le client qui choisit de quelle manière il veut le connecter sur un terminal d'affichage.

Mises aux enchères

Afin de rester compétitif dans une économie mondialisée, l'entreprise devra opérer à l'avenir d'autres choix stratégiques. "La haute couture d'instruments restera en Suisse et le prêt-à-porter se fera de plus en plus en Malaisie. En d'autres termes, nous allons garder les produits "customs" et la partie services, ici à Crissier, tandis que les grandes séries vont partir en Asie. Il y a une dizaine d'année, nous y avons ouvert des bureaux administratifs qui s'occupent principalement du secteur huile et pétrole. Sans cela, nous ne serions pas compétitifs. Par exemple, en cas de soumission, si nous avions auparavant contact avec des professionnels, nous sommes aujourd'hui confrontés à des centrales d'achat. Concrètement, nous participons à des mises aux enchères en ligne. L'offre augmente par exemple de 5'000 francs toutes les cinq minutes et le premier clic, remporte l'affaire. Au début nous perdions toutes les soumissions et depuis que nous travaillons avec des sous-traitants et ce bureau en Malaisie, nous parvenons à être concurrentiel", conclut Jean-Marc Rüeger.

Vincent Michoud